Dans le cadre des missions légales de l’expert-comptable mandaté pour les élus, le calcul de la réserve spéciale de participation est l’un des champs d’intervention de l’expert afin de contrôler et expliquer son montant. Cette démarche se fait soit en l’intégrant à la mission des comptes annuels remplacés depuis le 1er janvier 2016 par la consultation annuelle sur la situation économique et financière, soit dans le cadre de l’examen du rapport relatif à l’accord de participation.
Principe de la réserve spéciale de participation
La réserve spéciale de participation a pour objectif de redistribuer une part du bénéfice fiscal aux salariés. Cette enveloppe est obligatoire dans les entreprises d’au moins 50 salariés (art. L3322-2 du Code du travail). Sa mise en place résulte de l’application d’un accord de participation négocié et signé entre l’employeur et les représentants du personnel.
Le montant de la réserve spéciale de participation se fait selon une formule légale dont les composantes sont : ½ (B-5%C/100) x (S/VA)
- B = bénéfice fiscal net en France,
- C = 5 % des capitaux propres,
- S = salaires bruts, y compris les avantages en nature,
- VA = valeur ajoutée.
Un accord dérogatoire peut prévoir une autre formule plus favorable aux salariés. Notons que le montant de la réserve spéciale de participation ne pourra jamais être inférieur au résultat de la formule légale.
Le rôle de l’expert-comptable du Comité d’Entreprise ?
Le calcul de l’enveloppe de participation est une opération relativement complexe et source fréquente d’erreurs. Le Comité d’Entreprise peut faire appel à un expert-comptable pour examiner son calcul. (Art. L.2325-35 et D3323-14 du Code du travail). L’expert-comptable devra par exemple s’assurer que la formule dérogatoire n’est pas moins favorable à la formule légale. Il analysera que tous les évènements particuliers survenus au cours de l’exercice sont bien intégrés au calcul tels que les changements du capital social, le choix de la masse salariale, les reports déficitaires, les provisions, etc.
Cas concret d’un contrôle de la participation : les salariés du groupe de presse WKF
Après plusieurs années de procédures auprès des tribunaux, la cour d’appel de Versailles vient de condamner le groupe WKF dans un arrêt du 2 février 2016 n° 15/01292. L’entreprise a été reconnue coupable de manœuvre frauduleuse à l’égard du Comité d’Entreprise suite à une réorganisation des filiales du groupe survenue en 2007. La restructuration a eu pour conséquence de priver les salariés de participation jusqu’en 2022.
En effet, au cours de cette réorganisation, la société Wolters Kluwer France s’est endettée à hauteur de 445 millions d’euros sur 15 ans auprès de la Holding WKF (société du groupe) pour racheter les sociétés Lamy et Groupe Liaisons avec leurs filiales qui sont dissoutes au cours de l’opération. Le poids de cet endettement a eu pour conséquence d’empêcher le versement de participations aux salariés dont le montant de l’enveloppe est passé de 5 millions d’euros entre 2004 à 2006 à 329 000 euros en 2007 puis à 0 euro pour les années suivantes.
Le groupe a été condamné pour l’absence de communication de documents comptables obligatoires au Comité d’Entreprise et pour volonté de dissimuler au Comité d’Entreprise les conséquences d’une opération de cette ampleur par un discours trompeur.
La cour d’appel de Versailles a ordonné une expertise-comptable pour fixer les montants des réserves spéciales de participation pour les exercices 2007 à 2015 qui sont dus aux salariés.