L’employeur qui déménage le local syndical dans une zone qui oblige les salariés à passer sous un portique de sécurité, à présenter leur badge, voire à être fouillés, porte atteinte à la liberté syndicale, estime la Cour de cassation.
Déménager le local syndical n’est pas anodin. Le nouvel emplacement peut rendre moins aisé l’accessibilité aux salariés ou le déplacement des représentants syndicaux. Pour cette raison, l’employeur a tout intérêt à rechercher une solution négociée sous peine de prendre le risque d’être condamné pour atteinte à la liberté syndicale.
Des locaux transférés sans concertation
Une société spécialisée dans la restauration des avions installée sur l’aéroport de Roissy décide en 2005 de déménager les locaux des syndicats présents sur le site. Anciennement installés dans une zone portuaire sécurisée, ils sont transférés dans un autre bâtiment situé sur le parking-nord de l’établissement. Problème : pour les syndicats, cela change tout en termes d’accès.
Montrer patte blanche pour entrer dans le nouveau local syndical
Auparavant, les salariés qui se rendaient dans les locaux syndicaux restaient dans le même bâtiment. S’ils devaient respecter des règles de sécurité (passer sous un portique électronique, présenter un badge) c’était avant tout pour entrer dans le bâtiment dans lequel ils travaillaient, libres à eux ensuite de circuler librement et de se rendre dans les locaux syndicaux.
Après le transfert, les salariés devaient respecter les mêmes règles de sécurité, avec en plus éventuellement une fouille pour accéder aux locaux syndicaux, car les nouveaux locaux se situaient dans une zone d’accès libre en venant de l’extérieur.
Pour les organisations syndicales, il s’agit là d’une entrave à la liberté syndicale.
Une solution qui fait débat
Le contentieux oppose les syndicats à leur entreprise depuis 5 ans déjà. La Cour de cassation avait déjà rendu une décision le 26 septembre 2007, mais la cour d’appel ayant refusé d’aligner sa position sur celle de la haute juridiction, elle réaffirme sa position dans cet arrêt du 13 janvier 2010, position en faveur des organisations syndicales.
La Cour de cassation s’appuie sur deux arguments.
Atteinte à la liberté syndicale
D’une part, l’employeur porte atteinte à la liberté syndicale en obligeant les salariés qui se rendent dans les locaux syndicaux à passer sous un portique, à présenter un badge et à être éventuellement fouillés. Les juges estiment que l’employeur ne rapporte pas l’impossibilité d’implanter les locaux syndicaux dans la zone de travail, comme auparavant.
Dans un autre arrêt du 26 septembre 2007, concernant cette fois le local d’un comité d’entreprise, la Cour de cassation avait admis des règles de contrôle. Mais en l’espèce, elles s’appliquaient au moment de quitter le local pour se rendre dans le périmètre industriel. Il y a avait des exigences de sécurisation du site imposé par arrêté préfectoral, après déclaration préalable à la CNIL (commission nationale informatique et libertés). Surtout, cela ne faisait pas obstacle à la libre circulation du personnel et des représentants du personnel à l’intérieur de l’entreprise.
Autorisation préalable au déménagement
D’autre part, l’employeur n’est pas libre de déplacer comme bon lui semble le local syndical.
Les syndicats estimaient que l’employeur devait avoir une autorisation judiciaire pour procéder au déménagement des locaux syndicaux, suite à leur opposition. Argument que la cour d’appel avait rejeté. Elle estimait que l’employeur pouvait déterminer librement l’emplacement des locaux syndicaux.
Cette solution est balayée par la Cour de cassation : l’employeur ne peut pas déplacer le local syndical sans autorisation judiciaire si les organisations syndicales s’y sont opposées.