Entretien avec monsieur Olivier Peltier, secrétaire départemental CFTC du Loiret.
La ministre du Travail, Myriam El Khomri, a posé les grands principes de sa réforme du code du travail le mercredi 4 novembre 2015, issus du rapport Combrexelle du 9 septembre 2015.
Lors de sa conférence du 19 octobre 2015, le Premier ministre, Manuel Valls, avait déclaré que le droit du travail est devenu « trop complexe et illisible ». Il propose donc de donner plus de souplesses aux partenaires sociaux en privilégiant la négociation dans les entreprises et les branches.
La question a été posée au secrétaire départemental CFTC du Loiret, monsieur Olivier Peltier.
Quel est votre avis sur la réforme du code du travail prévue par le gouvernement dont l’objectif est de rendre celui-ci « plus lisible » et de renforcer la culture du dialogue social en entreprise ?
La taille du code du travail en lui-même n’est pas si importante, c’est l’ajout des jurisprudences qui vient agrandir celui-ci. Ceci a pour conséquence de rendre le code du travail compliqué, et ouvert à différentes interprétations des jurisprudences. Il est ainsi difficile à appréhender pour les salariés. Le fait de le rendre plus lisible est forcément une bonne chose.
Le constat sur le terrain est que les salariés regardent directement leurs accords de branche ou accords d’entreprise puisqu’ils sont en général plus favorables.
Il est nécessaire de « nettoyer » le code du travail pour simplifier celui-ci, le rendre moins « illisible ». Nous remarquons que certains articles sont même obsolètes. Il faut y remédier par les négociations.
Concernant les mesures, nous sommes actuellement dans une phase d’attente des propositions que le gouvernement pourra faire. La réforme devrait intéresser les médias plus que les salariés et l’objectif de 2018 me semble est atteignable.
Actuellement, nous pouvons constater que depuis la loi Macron et notamment sur le travail dominical, les accords d’entreprises ont déjà pris plus importances. Ce nouvel environnement favorise les acteurs à négocier à la hausse des accords plus favorables, c’est ce qui est observable pour le travail du dimanche.
La représentativité de la CFTC dans le secteur du commerce, 2nd syndicat, leur confère un poids significatif dans les négociations d’accords d’entreprises. Ainsi, nous sommes partisans pour la signature de ce type de texte à la différence des petits syndicats.
La réduction du nombre de branches de 732 actuellement à une centaine d’ici 10 ans favorise-t-elle la négociation au sein des entreprises ? En effet, les accords de branche seront de plus en plus déconnectés des besoins de l’entreprise.
Il est nécessaire de réduire le nombre de branches pour favoriser la mise à jour de celles-ci, à titre d’exemple certains accords de branches présentent des grilles de salaires inférieurs au SMIC. Des branches sont tellement petites qu’elles représentent très peu de salariés ou d’entreprises et les négociations sont parfois très longues.
Cette réforme du travail viendra-t-elle réduire au niveau du code du travail certains avantages sociaux ?
Nous sommes actuellement dans l’attente des propositions du gouvernement. Pour l’heure, nous ne pouvons nous prononcer sur cette question.
Ça va dépendre du timing, mais je ne pense pas que des avantages sociaux seront supprimés.
Quel est votre sentiment sur les dernières réformes sur le dialogue social :
De la simplification des obligations de consultation du comité d’entreprise ?
Le regroupement des consultations/informations ne signifie pas moins de négociation pour le Comité d’Entreprise. À l’inverse, cela offre une possibilité d’améliorer le dialogue en regroupant certaines d’entre elles notamment pour les PME. En effet, le nombre de consultations/informations devrait varier selon la taille de l’entreprise, les besoins d’une petite structure diffèrent par rapport à une structure plus importante.
Cette simplification a modifié également les délais de consultations/informations dont la norme est dorénavant de 2 mois à compter du jour d’envoi des informations ce qui peut-être court. De plus, en cas d’absence d’avis celui-ci est maintenant réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif. Auparavant, ce n’était pas le cas, pour certains syndicats, c’était un moyen d’action de blocage en ne rendant pas d’avis. Il aurait été intéressant de modérer les délais de consultation en fonction de la taille des CE.
De l’augmentation du seuil de 199 à 299 effectifs pour mettre en place une DUP (regroupement des DP, CE et CHSCT).
La constitution de DUP dans les entreprises n’apporte pas grand-chose, c’est une « fausse bonne idée ». La seule véritable différence est la réduction du nombre d’heures de délégation et par conséquent, nous ne sommes pas favorables. La DUP peut se concevoir pour les petits CE, mais au-delà de 200 salariés cela n’a plus de sens.
Que pensez-vous de la mise en place de la mutuelle obligatoire dans les entreprises à compter du 1er janvier 2016 ?
La CFTC est très favorable. À titre personnel, l’idée d’instaurer une mutuelle à l’ensemble des salariés est à première vue une bonne idée. Elle apporte une couverture médicale aux personnes n’en bénéficiant pas. Toutefois, nous pouvons constater que les entreprises choisissent en général les formules qui offrent des prestations à minima, « des mutuelles au rabais » et obligent le salarié à avoir une complémentaire santé supplémentaire.
Cette démarche s’inscrit également dans une libéralisation du marché de la santé et des craintes peuvent être soulevées sur la baisse des niveaux de remboursements de la sécurité sociale.
De l’instauration d’une parité entre les femmes et les hommes au sein des instances représentatives du personnel ?
L’instauration d’une parité entre les femmes et les hommes proportionnellement à l’image des effectifs de l’entreprise est une très bonne chose. Par contre, la loi permet de présenter une liste non conforme qui pourra par la suite être annulée par un juge pour l’élection des candidats dont le sexe est surreprésenté. Les modalités de sanctions sont « ubuesques ».
Quelle est votre position face aux différentes réformes de la formation professionnelle ? Quels sont pour vous les points d’amélioration ?
Il est encore trop tôt pour se prononcer sur les avantages ou les inconvénients de cette réforme. Nous pouvons constater que le nombre de formations proposé dans les catalogues augmente notamment pour les chômeurs. Par ailleurs, à l’époque du DIF, les employeurs ne l’accordaient pas souvent.
Selon vous quels sont les leviers de négociation qu’ils restent aux salariés malgré un contexte économique difficile ?
Hormis la grève qui est de moins en moins utilisée dans les entreprises, l’un des leviers pour les salariés est de voter pour un syndicat afin d’accroitre la légitimité des syndicats dans les négociations.
Que préconisez-vous aux élus CFTC qui sont confrontés aux situations suivantes : rachat ou fusion de leur entreprise, mobilité géographique, liquidation de leur entreprise et en cas de plan de sauvegarde de l’emploi ?
En cas de PSE, nous sommes pour la négociation et l’accompagnement puisque finalement c’est l’employeur qui décide de celui-ci. Nous cherchons à limiter les conséquences sur l’emploi et également nous essayons d’obtenir l’enveloppe financière la plus élevée et les meilleures formations possibles pour les départs. Ainsi, lorsque la Fnac a proposé un plan de suppression de 289 postes, seuls 11 licenciements contraints ont été prononcés.
Cette idée n’est pas partagée par tous les syndicats qui sont contre, peu importe les propositions de l’employeur. Ils préfèrent bloquer les discussions par des démarches purement juridiques sans tenir compte de la situation du salarié qui se retrouve sans ressource.
Quels sont pour vous les dossiers forts de l’année 2015 et ceux de l’année 2016 ?
Dans le commerce, nous avons été mobilisés essentiellement par le dossier sur l’ouverture dominicale, qui pour nous est l’une des négociations les plus importantes depuis les 35 heures en 2001. Le travail du dimanche va modifier le comportement, la vie des salariés et des consommateurs.