Encore un revirement de jurisprudence pour la Cour de cassation. L’expiration d’un délai de consultation d’un comité ne peut interdire au juge saisi par les représentants du personnel de prendre une décision. Le juge peut ainsi imposer à l’employeur la communication d’informations complémentaires aux représentants du personnel et leur accorder un temps supplémentaire pour rendre leur avis.
La loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 a encadré dans le temps les consultations du comité d’entreprise, instance aujourd’hui remplacée par le CSE. Ces délais sont fixés soit par accord collectif avec les syndicats, soit en leur absence, par accord avec les élus du comité. À défaut d’accord dans l’entreprise, les délais sont précisés par le Code du travail (article R. 2312-6).
Saisine du juge pour plus d’informations
Durant la procédure de consultation, si les élus estiment n’avoir pas suffisamment d’informations de la part de l’employeur, ils peuvent saisir le président du tribunal judiciaire selon la procédure accélérée au fond, l’ancienne procédure en la forme des référés. Le Code du travail précise que la saisine juge « n’a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le comité pour rendre son avis », sauf décision du juge en cas de « difficultés particulières d’accès aux informations » (L. 2312-15).
La Cour de cassation avait précisé, par deux arrêts rendus le 21 septembre 2016, que le juge ne pouvait statuer si le délai de consultation était déjà expiré au moment de rendre la décision (Cass. Soc, 21 septembre 2016, 15-13363 et 15-19003). En effet aucune disposition légale n’autorise le juge à accorder un nouveau délai après l’expiration du délai initial. Cette solution concernait tant l’hypothèse où le juge est saisi après l’expiration du délai que celle où le juge est saisi avant, mais sa décision est rendue après la fin du délai.
Le juge peut intervenir même si le délai est expiré
Par une décision en date du 26 février 2020, la Cour de cassation vient d’opérer un revirement de jurisprudence (Cass. Soc, 26 février 2020, n°18-22759). Bien que le délai de consultation soit expiré, un juge peut toujours ordonner à un employeur de compléter la communication d’information aux élus et accorder un temps supplémentaire pour que les représentants du personnel rendent leur avis.
En l’espèce, le CCE d’EDF était consulté en mai 2016 concernant un projet industriel important. Estimant ne pas avoir suffisamment d’informations, il saisit le TGI en juin 2016, mais le juge, ne pouvant se prononcer qu’en octobre, soit hors délai de consultation, décide de refuser de rendre une ordonnance obligeant l’employeur à compléter l’information.
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel ayant cassé l’ordonnance de 1ère instance.
En s’appuyant notamment sur des textes européens, la Cour affirme que si le juge estime que l’information des élus est insuffisante, il peut obliger l’employeur à compléter les documents, quand bien même le délai soit expiré. Le juge peut ainsi prolonger ou fixer le délai de consultation à compter de la communication de ces éléments complémentaires.
Seule limite rappelée par la Cour : le juge doit être saisi avant la fin du délai de consultation !