Le 15 octobre 2015, le Gouvernement a transmis aux partenaires sociaux un projet de décret portant sur la réforme de la justice prud’homale issue de la loi Macron du 6 août 2015.
En effet, cette loi vise à améliorer le fonctionnement du Conseil de Prud’hommes (CPH) en la rendant plus rapide et plus prévisible.
Les difficultés de la procédure actuelle
Les justiciables se plaignent souvent de la lenteur de notre justice prud’homale actuelle.
Au cours d’une procédure prud’homale ordinaire, les parties se retrouvent devant le bureau de conciliation (composé d’un conseiller prud’homal employeur et un autre qui est salarié) suite à une première audience, elles sont ensuite convoquées devant le bureau de jugement si la conciliation n’a pas abouti. En cas de désaccord entre les conseillers, composés paritairement, alors l’affaire est renvoyée devant un juge départiteur. Le problème étant que le délai entre l’audience de conciliation et le bureau de jugement est long, de même que celui entre l’audience de jugement et celle de départage. À cela s’ajoutent d’éventuelles procédures de recours (l’appel). Le délai varie de plusieurs mois voire plusieurs années pour le CPH de Paris.
Les solutions proposées de la réforme
Nouveauté dans la défense des parties
Les parties pourront désormais se défendre elles-mêmes tout en conservant la faculté de se faire assister ou représenter par le défenseur syndical ou un avocat. En appel ces deux derniers sont obligatoires. Cependant le défenseur syndical ne pourra pas avoir accès au réseau privé virtuel des avocats (RPVA) utilisé pour transmettre les différents actes de procédure à la juridiction.
Nouveauté dans la saisine de la juridiction prud’homale
Actuellement, lors d’une saisine de la juridiction prud’homale, la demande déposée au greffe ou adressée par lettre recommandée devait simplement comporter les coordonnées du demandeur, l’objet de la demande et les coordonnées du défendeur.
Désormais, lors de la saisine par requête, celle-ci devra exposer un sommaire des motifs et des chefs de la demande. Le demandeur devra l’accompagner de pièces servant à l’appui de ses prétentions qui seront énumérées dans un bordereau, annexé à la requête.
Le rôle central du bureau de conciliation et d’orientation (BCO) :
Actuellement, les parties doivent obligatoirement passer devant le bureau de conciliation qui s’efforce de trouver un accord entre elles. En cas de non-conciliation, l’affaire est renvoyée devant le bureau de jugement.
Désormais, le bureau de conciliation, devenu bureau de conciliation et d’orientation (BCO) depuis la loi Macron, sera chargé de la mise en état des affaires jusqu’à la date fixée pour le jugement. À tout moment, lui et le bureau de jugement ainsi que la formation de référé pourront demander aux parties de rencontrer un conciliateur ou ils pourront directement en déléguer un pour tenter de trouver une solution au litige. Le conciliateur de justice ou le médiateur seront également chargés d’informer les parties sur l’objet et le déroulement de la mesure de conciliation. Le bureau de conciliation et d’orientation sera chargé ensuite d’homologuer l’accord issu de la résolution amiable.
Nouveauté dans la composition du bureau de jugement
En principe le bureau de jugement est composé de deux conseillers prud’hommes employeurs et deux conseillers prud’hommes salariés. C’est ce qu’on appelle la formation classique.
Désormais, le projet de décret issu de la loi Macron prévoit un employeur et un salarié dans la composition restreinte pour les litiges portant sur un licenciement ou une demande de résiliation judiciaire (soit la majorité des affaires). Cette composition statuera dans un délai de 3 mois. En cas d’égalité des votes dans la formation classique ou restreinte, c’est le juge départiteur qui présidera ces formations.
La modification des indemnisations
L’indemnité légale forfaitaire
En principe, en cas de licenciement, l’employeur verse une indemnité légale forfaitaire en fonction de l’ancienneté du salarié dont le montant minimal est de 20 % du salaire mensuel par année d’ancienneté. Ce montant peut s’accompagner d’un montant correspond à 13,3 % du salaire mensuel lorsque le salarié atteint 10 ans d’ancienneté. En pratique les juges indemnisent souvent au-delà de ce barème, appelé indemnité supralégale.
La loi Macron prévoit la mise en place d’un barème référentiel des dommages et intérêts qui sera actualisé tous les 5 ans. Si ce projet se concrétise, le Gouvernement adoptera un décret en Conseil d’État qui établira le référentiel indicatif en fonction de l’ancienneté, l’âge, et la situation du demandeur par rapport à l’emploi.
Le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE)
Actuellement, lors de la mise en place d’un PSE, les entreprises de plus de 50 salariés ayant licencié plus de 10 salariés doivent proposer un reclassement interne ou une aide d’accompagnement et de réinsertion professionnelle externe.
La loi Macron prévoit que les indemnités versées aux salariés seront proportionnées aux moyens de l’entreprise.
Une formation obligatoire des conseillers
Principe
Le projet de réforme impose une formation des conseillers prud’homaux. Le conseil supérieur de la prud’homie prévoit la mise en place d’un recueil qui contiendra les règles déontologiques auxquelles les conseillers devront se conformer.
Sanctions
Les conseillers qui n’auront pas fait de formation seront considérés comme démissionnaires et ne pourront donc plus prétendre à leur poste. Une commission nationale de discipline sera créée pour prendre des sanctions à l’encontre des conseillers qui auront manqué à leur devoir dans l’exercice de leurs fonctions. Les peines peuvent être les suivantes : blâme, déchéance et interdiction d’exercer la profession de conseillers jusqu’à 10 ans, suspension de 6 mois maximum. Le conseiller sera déchu s’il décide de se conformer aux directives de son organisation. L’article L.1421-2 du Code du travail pose une obligation de neutralité.
Les interrogations
Actuellement, le conseil prud’homal est composé de juges non professionnels représentant les salariés et les employeurs à parité et ce n’est que lorsque ceux-ci ne se mettent pas d’accord qu’il est fait appel à un juge départiteur professionnel. Le ministre de l’Économie Emmanuel Macron souhaite faire entrer des juges professionnels durant la procédure prud’homale.
Les justiciables s’interrogent et pensent que les juges professionnels n’ont pas assez de maitrise des mécanismes entourant la vie professionnelle et que seul un commerçant est plus apte à en défendre un autre. Certains estiment que cette mesure est éloignée de la réalité du terrain.
D’autres remarquent que la composition restreinte devant un conseiller salarié et un conseiller employeur porte atteinte au principe de la collégialité du conseil prud’homal.
Enfin, il convient de souligner que l’efficacité de ce projet dépend de la disponibilité des juges professionnels qui ont déjà du mal à siéger en collégialité devant la cour d’appel.