Entretien avec Madame Marylise Léon, secrétaire nationale de la CFDT en charge de l’évolution des règles du dialogue social et de la politique en direction des IRP, des questions industrielles et du développement durable.
La ministre du travail, Myriam El Khomri, a posé les grands principes de sa réforme du code du travail le mercredi 4 novembre 2015, issus du rapport Combrexelle du 9 septembre 2015.
Lors de sa conférence du 19 octobre 2015, le Premier ministre, Manuel Valls, avait déclaré que le droit du travail est devenu « trop complexe et illisible ». Il propose donc de donner plus de souplesses aux partenaires sociaux en privilégiant la négociation dans les entreprises et les branches.
La question a été posée à la secrétaire nationale en charge notamment du dialogue social à la CFDT, Marylise Léon.
Dans quelles conditions est faite la réforme ?
Les conditions permettant d’opérer une réforme du code du travail efficace et constructive ne peuvent se faire :
- Qu’en « présence d’acteurs matures » dans la négociation dont la vision est commune sur les objectifs à atteindre.
- Et d’une « confiance et loyauté » dans le cadre de la négociation.
Ainsi, d’après Marylise Léon, ces conditions n’étaient pas réunies pour parvenir à un accord lors de la négociation nationale interprofessionnelle sur la réforme du dialogue social. En effet, une partie des acteurs avaient visiblement la volonté de réduire les moyens du dialogue social et donc des IRP.
En mettant en place certains gardes fous, la décentralisation de la négociation dans l’entreprise peut être la bonne réponse aux situations rencontrées dans l’entreprise. Les acteurs locaux sont les plus à même pour trouver les bonnes solutions et les meilleurs équilibres. Rendre « plus lisible, plus intelligible » le code du travail est évidement intéressant pour tous les acteurs. C’est un enjeu de « démocratie dans l’entreprise…. ».
Les réalités économiques actuelles offrent-elles un terrain adéquat aux réformes notamment concernant les thèmes liés au contrat de travail ? Mais la réforme du code du travail doit pour certains être la réponse aux problèmes du chômage. Penser que l’épaisseur, la complexité du Code du travail ainsi que la protection sociale des salariés sont les seuls freins à l’embauche, « la CFDT n’y croit pas du tout ! » La question est de savoir quelle est la démarche du gouvernement ? Celle-ci ne doit pas être guidée par cette seule idée car dans ce cas, elle ne répondra absolument pas aux réels enjeux.
Par ailleurs, cette réforme est un chantier de long terme malgré une temporalité actuellement extrêmement contraignante. Elle ne correspond pas forcément au temps politique notamment avec l’approche des élections en 2017. L’objectif de la réforme est de refondre le code du travail pour 2018.
L’un des points souligné par Marylise Léon est l’accessibilité des négociations et de la loi auprès des salariés et surtout l’effectivité des droits : « Comment porter le droit du travail à la connaissance des salariés et permettre de le faire appliquer ? » Il doit être connu des salariés afin de mieux comprendre la relation de travail entre le salarié et son employeur.
L’idée, dans un premier temps, soutenue par la CFDT est d’organiser l’architecture selon des grands principes à l’instar du préambule de la constitution. Ces grands principes doivent être normatifs et non indicatifs. La CFDT a réfléchi à 75 principes qui ont été présentés à la commission Badinter et distinguent :
- L’ordre public absolu, indérogeable,
- L’ordre public social dont l’objet est l’amélioration par la négociation, comprenant notamment le contrat de travail, les 35 heures, et le SMIC,
- L’ordre public professionnel défini par la négociation de branches sur certains champs,
- La négociation d’entreprise.
Le premier exercice de réécriture concerne le temps de travail et une rencontre de la ministre avec les partenaires sociaux aura lieu fin janvier sur cette question.
Quelle est la place des branches dans la réforme du travail ?
La restructuration des branches prévoit de passer de 732 actuellement à une centaine d’ici 2020. Pour cela, il faut laisser le temps aux branches de se restructurer. Pour que la réforme fonctionne correctement, l’ensemble « des étages de la fusée » doit être opérationnel, sinon il y a un risque de voir le niveau de la branche dépossédé de sujets de négociation.
Les branches doivent être plus fortes et avoir un rôle de diagnostic en matière économique et d’emploi, comme ce qui est demandé aux entreprises aujourd’hui à travers notamment les orientations stratégiques. Ce travail est en cours au sein de la métallurgie, mais reste encore malheureusement une exception sur les 732 branches.
Quelles questions restent en suspens à l’heure actuelle ?
Entre les différents partenaires sociaux que sont les organisations salariales et patronales, des tours de table commencent fin janvier dans l’objectif de trouver des points de convergence.
- Quels critères pertinents de rapprochement ?
- Comment peuvent être harmonisées les branches ?
- Quelle méthode pour l’harmonisation des droits ?
Le constat qui peut être fait est qu’avec ce nombre élevé de branches, le dialogue social peut être très inégal d’un secteur à l’autre. L’absence de dialogue social dans une branche ne produit rien de positif pour les salariés. De plus, cet éclatement mobilise du temps pour les partenaires sociaux.
Autre sujet : l’instauration d’une parité entre les femmes et les hommes au sein des instances représentatives du personnel
Il est important que les institutions représentatives du personnel soient à l’image de la mixité du salariat dans l’entreprise. C’est une démarche de longue haleine dont l’application est fixée à 2017… « Nous travaillons d’ores et déjà à la préparation de nos équipes CFDT! »
Quels sont pour vous les dossiers forts de l’année 2015 et ceux de l’année 2016 ?
Il faut d’abord finaliser la Loi Rebsamen dont les décrets sont toujours attendus afin de clarifier certaines dispositions et veiller à l’effectivité des droits. Parmi les autres dossiers forts en 2015 : la COP 21 et l’obtention de la reconnaissance de la transition professionnelle et du respect des droits humains par leur mention dans le préambule de l’accord historique de Paris.
En 2016, nous devons préparer les futures élections TPE qui se tiendront en fin d’année. Se profile également la future loi de la ministre EL Khomri. Mais il s’agit surtout pour la CFDT de poursuivre son action de valorisation et de défense des nouveaux droits et de poursuivre le chantier de la sécurisation des parcours professionnels. Pour rappel, le mois de janvier 2016 a démarré par l’entrée en vigueur du compte pénibilité et la généralisation de la complémentaire santé. « C’est grâce à l’engagement de la CFDT ! ».