La remise en cause de la démocratie représentative, autrement dit la remise en cause du rôle des délégués syndicaux dans le dialogue social est de plus en plus forte. Cette contestation s’illustre parfaitement par les différents rapports, réflexions et textes de loi : dont l’accord national interprofessionnel à titre expérimental du 31 octobre 1995, la « Position commune » signée le 16 juillet 2001, la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, le rapport Combrexelle du 9 septembre 2015, le rapport Cesaro du 22 janvier 2016, le rapport Badinter du 25 janvier 2016 ou encore le projet de loi de la ministre El khomri reporté au 24 mars 2016.
Le syndicalisme aujourd’hui
La représentativité syndicale au niveau national et interprofessionnel a été définie à la suite de la loi de 2008. Dès lors, à l’issue du 1er tour, pour qu’une organisation syndicale soit reconnue représentative dans l’entreprise, il faut, en plus des 6 autres critères, qu’elle ait recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés. Cette réforme importante a pour but d’affirmer la légitimité et la crédibilité des délégués syndicaux au sein de l’entreprise et leur rôle au cours des négociations.
Pour la représentativité des branches, une organisation syndicale doit obtenir au moins 8 % des suffrages électoraux cumulés dans les entreprises de la branche.
À titre d’illustration, en France, chaque année plus de 1 000 accords de branche et près de 35 000 accords d’entreprise sont conclus.
De nouvelles formes de démocratie en entreprise préconisée ?
Le courant libéral porté par le modèle anglo-saxon s’accompagne d’un mouvement de déréglementation sociale. Ce modèle libéral purement orienté vers l’économie ignore totalement le compromis et la négociation entre les partenaires sociaux. Un courant de pensée renforcé par la politique européenne de Bruxelles. Dès 2004, sous le gouvernement Raffarin, une réforme affiche la volonté d’inverser la hiérarchie des normes sociales et ainsi de renforcer l’autonomie des accords d’entreprise en faisant évoluer la portée du principe de faveur entre les différents niveaux d’accords. Cette réforme a été par la suite achevée par Nicolas Sarkozy, mettant un terme à l’Ordre public social, crée pourtant sous la Libération.
Les républicains maintiennent leur position, qui s’illustre par ce discours « Quand un accord dans l’entreprise n’est pas possible entre les partenaires sociaux, ce sont les salariés de cette même entreprise qui doivent pouvoir trancher par référendum à la majorité simple », des propos tenus par Nicolas Sarkozy courant septembre 2015 au cours de la « Journée de travail » sur le Code du travail.
Le gouvernement actuel affirme ce mouvement d’inversion des normes en promouvant les accords d’entreprise au détriment des accords de branche. Parmi les mesures phares du projet El khomri, existe la mise en place de la démocratie directe, celle des salariés par voie de référendum, reprenant ainsi les propos tenus six mois plus tôt par le parti adverse. Mais existe-t-il réellement un terreau propice à la négociation en entreprise ? Rien de sûr. L’entreprise n’est pas un lieu démocratique, mais de pouvoirs, de subordination entre l’employeur et ses salariés. La négociation en entreprise avec des salariés non protégés pourrait s’assimiler à du chantage à l’emploi. En outre les salariés sont relativement peu syndiqués en France, ont-ils les compétences juridico-financières ? Le temps pour pouvoir intégrer l’ensemble des informations disponibles ? Le temps pour pouvoir négocier ? Reçoivent-ils toutes les informations ? La formation nécessaire pour négocier ? Les outils nécessaires ? L’appui à des experts ? Ont-ils une vision complète de l’entreprise ? Ont-ils une approche collective ?
Des victoires oubliées du syndicalisme
Le syndicalisme a toujours fait partie du paysage social en France. De nombreux acquis sociaux ont été gagnés au fil des années par la négociation voire la mobilisation. Souvent oublié par les médias, le syndicalisme est à l’origine de :
- Les congés payés (1936)
- La Création du SMIG (Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti) (1950)
- L’adoption de la troisième semaine de congés payés (1956)
- Création des ASSEDIC (1958)
- L’instauration de la quatrième semaine de congés payés (1969)
- La Création du SMIC (Salaire Minimum de croissance) (1970)
- L’instauration de l’entretien préalable, avant un licenciement (1973)
- La Loi sur le contrôle des licenciements économiques (1975)
- La mise en place des Aides personnalisées au logement – APL (1977)
- La Loi interdisant de licencier en cas de grossesse (1980)
- La loi sur le temps partiel (1981)
- La cinquième semaine de congés payés (1982)
- Retraite à 60 ans (1983)
- La Loi créant le délit de harcèlement sexuel dans les relations du travail (1992)
- L’accord sur la formation professionnelle (AMI) (2003)
- L’accord sur l’égalité homme-femme (2004)
- L’abrogation de la loi sur le CPE (2006)
- Les nouvelles règles de représentativité syndicale dans le secteur privé (2006)
- La mise en place de la mutuelle obligatoire (2016)
- La mise en place du compte pénibilité (2016)
La liste est loin d’être exhaustive ; mais illustre le combat social et le rôle de la démocratie représentative.